Pour les gens de notre génération, soit les baby boomers nés vers la fin des années 50, toute notre jeunesse et notre adolescence ont été baignées d’images de cette guerre sanglante entre le nord et le sud Vietnam.
Voilà déjà près de 40 ans, en 1972, alors âgé de 16 ans, je me souviens surtout de l’image bouleversante de cette petite vietnamienne, les bras en croix, qui hurle de douleur après avoir été brûlée au napalm lors du bombardement de son village par l’aviation sud-vietnamienne.
Certains disent que cette image pourrait avoir amené l’opinion américaine à prendre position contre la guerre et ainsi contribuée à changer le court de l’histoire.
La petite fille s’appelle Kim Phuc. Elle est alors âgé de 9 ans. Nick Ut, un photographe de l’Agence Associated Press, l’a photographiée le 8 juin 1972 fuyant le village de Trang-Bang, à 65 km au Nord-Ouest de Saïgon .
Nick Ut a transporté la fillette en urgence à l’hôpital de Cu Chi, à mi chemin entre Trang Bang et Saïgon. On considérait ses brûlures si sévères qu'elle n'aurait pas dû survivre sans une prise en charge immédiate. Après 17 interventions chirurgicales et 14 mois d’hospitalisation, les médecins ont réussi à la sauver.
La photo a valu le prix Pulitzer à Nick Ut. Cette image est devenue un symbole, à la fois de la lutte contre la guerre, et de la représentation de la souffrance.
Par la suite, Kim Phuc a servi d’emblème au régime communiste vietnamien. Elle a été envoyée à Cuba où elle a étudié l’anglais et l’espagnol. En 1992, elle y a épousé un compatriote étudiant du non de Bui Huy Toan. Au retour de leur voyage de noces à Moscou, elle profite d’une escale technique à Gander (Terre-Neuve) pour demander et obtenir l’asile politique au Canada. Kim vit aujourd'hui près de Toronto avec son mari et ses deux fils, Thomas et Stephen.
Considérée comme un témoignage vivant des horreurs de la guerre et symbole du pacifisme, elle a été nommée Ambassadrice de Bonne Volonté par l’UNESCO le 10 novembre 1997. Kim Phuc a aujourd’hui une fondation qui soutient des projets venant en aide aux enfants victimes de la guerre. Vous pourrez en apprendre davantage sur sa vie et son œuvre à l’adresse suivante : http://www.kimfoundation.com/
Sur l’expérience vécue le 8 juin 1972, Kim Phuc s’est confiée à Annick Cojean dans un bouleversant article du journal Le Monde publié le 19 août 1997. Voilà une partie de son témoignage :
"On dirait que ma peau brûle, qu'elle se détache, qu'elle part en lambeaux, comme mes vêtements calcinés, qui sont tombés d'eux-mêmes. Je me frotte le bras gauche, ça colle, c'est pire. Ma main droite est difforme. Je vais être affreuse ! Je ne serai plus jamais normale. Je ne vois que de la fumée. Il faut que je sorte du feu ! Je cours, je cours le plus vite possible. Mes pieds ne sont pas brûlés. J'ai de la chance. Plus vite. Il faut réussir à fuir. Je crois que je dépasse le feu. La fumée s'éclaircit. Je distingue des silhouettes. Je ne suis plus toute seule. Il y a du bruit, des cris, des pleurs. Je cours encore plus vite. Tout le monde court d'ailleurs : les soldats, mon petit frère Phuoc, à droite, mes deux cousins, à gauche. Et puis Pam, mon grand frère, qui m'a vue, qui s'affole, qui crie : « Aidez ma soeur ! Aidez ma soeur ! ». Il a compris que je brûle. Et moi, je hurle : « Nong qua ! » (« trop chaud ! »)".
Lors de notre voyage nous irons visiter la région où ces évènements tragiques du 8 juin 1972 se sont déroulés. Nul doute qu’à cet instant nous aurons une pensée pour Kim Phuc et tous les enfants victimes de la guerre du Vietnam.
La guerre du Vietnam : Un peu d’histoire
Suite à l’échec de la France, à la bataille décisive de Diên Biên Phu, le 7 mai 1954, les accords de Genève divisèrent le pays en deux par une zone démilitarisée au niveau du 17e parallèle.
Les deux parties du Viêtnam connurent alors la mise en place de gouvernements idéologiquement opposés :
· au nord, la République démocratique du Vietnam, régime communiste fondée par Hô Chi Minh en septembre 1945 ;
· au sud, la République du Vietnam, régime nationaliste soutenu par les américains et plusieurs alliés, notamment la Corée du Sud et l'Australie.
La guerre du Vietnam débuta en 1959 à l'instigation du Nord-Vietnam sous la forme d'une guerre civile afin de réunifier tout le pays sous son régime et de le libérer d'une agression étrangère impérialiste.
Le Nord-Vietnam était soutenu matériellement par le bloc de l’Est (l’ex Union-Soviétique) et la Chine.
Les États-Unis inscrivaient ce conflit dans une logique de guerre froide. L’expansion du communisme devait être stoppée afin d’enpêcher un effet de domino en Asie du Sud-Est.
Après 15 ans de combats, l’intervention des États-Unis a pris fin en 1973 avec la signature des accords de paix de Paris.
Cette guerre est considérée comme la première défaite de l’histoire des États-Unis. Elle marqua toute une génération d’américains. Plus de 3,5 millions de jeunes américains furent envoyés au front entre 1965 et 1972.
Des millions de vietnamiens sont morts des conséquences de la guerre du Vietnam. Par ailleurs, les effets sur l'environnement des agents chimiques, tels que l’agent orange qui était un défoliant très utilisé par les américains, ainsi que les problèmes sociaux causés par la dévastation du pays ont probablement contribué à réduire la durée de vie de beaucoup de survivants. La contamination d'une partie de sols entraine encore aujourd'hui de graves problèmes de santé surtout dans les campagnes. En 1995, les autorités du pays ont estimé qu'un total d'un million de combattants et quatre millions de civils avaient été tués durant la guerre.
Les boat-people
Le Vietnam fut réunifié en juillet 1976 pour devenir la « République socialiste du Vietnam ». Saïgon fut renommée Hô Chi Minh en l'honneur posthume du père de la nation décédé en 1969.
Les premières années du pays réunifié ne furent pas faciles. De 1975 à 1982, 65 000 personnes furent exécutées et plus d'un million furent envoyées en « camps de rééducation » ou dans les « nouvelles zones économiques ». Leurs biens personnels (habitations, commerces, entreprises, terres...) furent confisqués pour une période plus ou moins longue.
Dans les années qui suivirent la réunification, plus d'un million de sud-vietnamiens fuirent le pays, d’abord l’élite de l’ancien régime de Saigon (principalement des hommes politiques, des professeurs, des fonctionnaires et des commerçants), puis par la suite une émigration de masse beaucoup plus importante composée de petites gens fuyant les difficultés économiques d’un pays dévasté par la guerre depuis 1946.
C’est a compter de ce moment que l’on a commencé à utiliser le terme de boat-people. Les médias nous innondaient alors d’images de pauvres gens fuyant leur pays sur des embarcations, soit pour des raisons politiques ou économiques. Ces embarcations de fortune, souvent surchargées et sans sécurité, ont parfois fait de nombreuses victimes pour causes de noyade, de famine ou de froid.
Une partie de ces boat-people a été accueillie par le Canada et plus particulièrement par le Québec. Le fait que plusieurs migrants avaient en commun avec nous la langue française fut sans doute un élément dans leur choix de s’installer au Québec.
Avant la chute de Saïgon, le Canada comptait 1 500 résidents d'origine vietnamienne, dont les trois quarts au Québec, surtout des étudiants et d'anciens étudiants avec leurs familles. La vague des boat-people, entre 1979 et 1982 amena au Canada près de 95 000 personnes. Par la suite, 34 400 émigrés se sont ajoutés, principalement des personnes parrainées par des parents déjà établis au Canada.
Bonjour Marie et Pierre
RépondreSupprimerPar hasard, j’ai trouvé votre blog Aventures Asiatiques. J’ai commencé la destination pour le découvrir. Quelle surprise !!!
Merci pour votre partage très sincère et intéressante. Surtout l’article sur la guerre au Vietnam vraiment émouvante. Les images des enfants dans la guerre et aussi l’histoire de Kim Phuc sont très touchantes . Vous savez ? Je suis vietnamienne , je comprends assez bien l’histoire du Vietnam. Pourtant c’est la première fois que j’ai lu l’histoire racontée par un témoin comme vous.
Milles merci pour vous et aussi pour vos meilleurs sentiments pour mon pays natal
Malika Nguyen